“Le film technique améliore la qualité de mes plantes”
Hubert Le Nan, pépiniériste breton, va renouveler la quasi-totalité des couvertures de ses serres double paroi gonflable avec du film technique après cinq ans d'essai. Son objectif est d'allier les propriétés de deux films techniques pour répondre à ses contraintes : thermicité en hiver, réduction de température en été.
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Hubert Le Nan est un « jeune » pépiniériste. Ancien maraîcher, il s'est converti à la pépinière il y a douze ans, tout en conservant une production de légumes. Installé à Plouescat, en Bretagne, il a monté des serres entre 2000 et 2007. Sa jeunesse dans le métier n'a pas empêché le producteur de tester dès 2007 ce qui était à l'époque un produit innovant : le film technique (1). La Station technique d'expérimentation des plantes en pot (Stepp) de Langueux publiait alors des résultats concluants après sept ans d'essais, tandis que l'Association pour l'expérimentation en horticulture d'ornement dans les Pays de la Loire (AEHO) finalisait deux années d'expérimentation. « Je voulais éviter les brûlures sur mes plantes à feuillage panaché et les températures excessives en été », explique Hubert Le Nan. Par ailleurs, le pépiniériste ne tenait pas à utiliser un produit de blanchiment, consommateur de main-d'oeuvre pour son application. Suite au conseil du technicien privé Hervé Le Sann, il équipe une nouvelle serre de Solatrol et entame un essai sur Euonymus fortunei, Choisya ternata 'Sundance' et Arbutus unedo (arbousier).
« En Bretagne, les températures s'abaissent trop en hiver sous du simple paroi », indique Hubert Le Nan. Tous les abris du pépiniériste sont en double paroi gonflable, y compris une serre équipée de film Solatrol doublé d'une deuxième paroi à effet thermique qui limite la baisse de température hivernale. « Le Solatrol simple paroi entraîne un retard de développement d'environ trois semaines au printemps, faute de thermicité suffisante en hiver pour permettre à la plante de démarrer, mais offre un confort exceptionnel pendant tout l'été. Le double paroi est une solution intermédiaire. » Hervé Le Sann a réalisé pendant un an des mesures de luminosité et de températures. En été, l'abri Solatrol présente 2 °C de moins par rapport aux autres abris recouverts de film polyéthylène (PE) et d'un blanchiment classique. De fait, en cas de forte poussée estivale due à la chaleur, Hubert Le Nan est obligé de sortir ses plantes, sauf celles placées sous Solatrol où la température se stabilise autour de 25-26 °C. Le pépiniériste profite également de l'effet nanifiant du film technique, qui lui permet de ne plus avoir à jouer sur l'arrosage et la fertilisation pour limiter la croissance de ses plantes. Elles sont plus compactes, avec des entrenoeuds plus courts et des tiges plus robustes que sous bâche en polyéthylène.
« Le film Solatrol limite le syndrome d'évitement de l'ombre », explique Guillaume Le Gardien, directeur commercial de Plastidis (22), qui commercialise les bâches Solatrol. La plante soumise à ce syndrome – lorsqu'elle entre en concurrence avec d'autres plantes pour la lumière – allonge ses entrenoeuds, ne se ramifie pratiquement plus et développe de petites feuilles. C'est notamment le rapport entre la lumière rouge (R) – longueur d'onde comprise entre 650 et 700 nm –, davantage absorbée par les feuilles, et la lumière rouge lointain (RL) – entre 700 et 800 nm –, qui provoque ce syndrome : plus le rapport R/RL est bas, plus la plante s'étiole pour dépasser ses voisines ; inversement, plus le rapport est haut, plus la plante, « se considérant au-dessus des autres », présente des entrenoeuds courts, un nombre de ramifications important et de grandes feuilles. Le film plastique Solatrol augmente le rapport R/RL (environ 3,5), tout en offrant un rayonnement Par (2) élevé (70-80 %) et une transmission réduite de la lumière infrarouge proche (3).
Par ailleurs, le producteur constate une couleur plus intense des végétaux placés sous Solatrol. « Le film technique améliore la qualité de mes plantes : elles sont plus fournies, plus colorées. » Autre effet secondaire, mais qui reste à confirmer par des essais : la diminution du nombre de pucerons. La Stepp a constaté une présence du ravageur plus faible dans les cultures sous Solatrol que sous bâche en PE (essais 2006). « Effectivement, je ne traite plus contre le puceron », confirme Hubert Le Nan.
« Il faut raisonner au cas par cas, selon la situation géographique de l'exploitation, l'espèce en culture, sa date de rempotage... », conseille Guillaume Le Gardien. En effet, l'effet des filtres lumineux varie selon la plante (espèce, variété), le climat régnant pendant la culture, le type d'abri (tunnel, multichapelle...). Le taux d'ensoleillement peut avoir une influence sur l'importance de la réduction de croissance. Au premier abord, Hubert Le Nan ne mettrait pas du Lagerstroemia ou du Feijoa sous Solatrol car « ce sont des plantes qui aiment la chaleur et la lumière ». Le film Solatrol provoque un retard de floraison chez certains taxons (pétunia), un avancement chez d'autres (chrysanthème), ou encore un risque d'étiolement ou de stress, une diminution du faux bois sur certains rosiers... « Il faut commencer par des essais de films techniques sur de petites unités, chaque producteur doit trouver sa 'recette' », insiste Guillaume Le Gardien. Les possibilités sont multiples : associer film thermique et Solatrol, rester en simple paroi Solatrol toute l'année ou débâcher et remplacer par du thermique en hiver, placer deux films Luminance pour augmenter la diffusion... Les bénéfices attendus par les producteurs varient : améliorer la qualité de la plante (port plus compact, couleurs plus intenses...), limiter les applications de régulateurs de croissance chimiques, retarder la vente...
Les propriétés du Solatrol se traduisent par un coût plus élevé : en 2007, il est 80 % plus cher qu'un film en polyéthylène transparent ; et 30 à 40 % plus cher qu'un film spécial pépinière classique (blanc translucide, 65 % de transmission lumineuse). « Aujourd'hui, cette différence de tarif est plutôt de 50 % car on emploierait du film de 200 µm d'épaisseur », précise Guillaume Le Gardien. « Hors pose et transport, il faut compter environ 1,30 € HT le mètre carré. » Hubert Le Nan ne compense pas cette hausse par l'économie induite sur les nanifiants, puisqu'il n'en utilisait pas. Mais outre le gain de qualité, il n'a pas à blanchir tous les ans sa serre. « Ce qui permet une économie annuelle de 50-60 euros correspondant au coût d'application d'un produit de blanchiment sur un tunnel de 50 m de long et 8 m de large », affirme le directeur commercial. Les films actuels doivent être changés au bout de sept ans environ. « Dans le Sud, les UV sont plus 'agressifs' et le film ne durerait que quatre ans », avertit cependant Guillaume Le Gardien. En 2007, les films Solatrol installés par Hubert Le Nan n'avaient que 150 µm d'épaisseur, d'où des précautions à prendre à la mise en place et une longévité limitée. « Il ne servait à rien de proposer des films plus épais et résistants alors que la durée de vie des additifs ne dépassait pas cinq ans », explique le directeur commercial de Plastidis. « Elle a augmenté et atteint aujourd'hui six ans sur des films de 200 µm. »
C'est décidé, lors des prochains changements de film, Hubert Le Nan installera du film Solatrol. « Mais nous placerons le Solatrol en dessous et le film thermique Luminance au-dessus », précise Guillaume Le Gardien. « Le Solatrol sera ainsi protégé des UV par le Luminance : une façon d'optimiser la durée de vie de l'additif ! » Hubert Le Nan équipera un seul tunnel avec une simple paroi (plus de lumière et plus de température). Bien que les films techniques soient testés depuis une douzaine d'années en France (la Stepp repart sur trois ans d'essais), le responsable commercial de Plastidis constate la difficulté à changer les mentalités sur un produit qui n'est renouvelé que tous les six à dix ans. Par ailleurs, « les distributeurs ne connaissent pas tout ce qu'il y a à savoir sur les films techniques ». Guillaume Le Gardien et Hervé Le Sann travaillent donc sur l'élaboration de schémas de culture par espèce et par film dans l'optique de fournir des modes d'emploi simplifiés. « C'est un domaine qui évolue énormément. » À l'avenir, les films techniques pourront répondre à différents usages spécifiques : anti-Botrytis, thermique et réduction de croissance, anti-UV contre les ravageurs, pour la coloration des fleurs et/ou du feuillage...
Valérie Vidril
(1) Le film technique possède des propriétés spécifiques que lui confère l'ajout d'additifs (photo-sélectifs, anti-buée...). (2) Photosynthetically Active Radiation ou rayonnement photosynthétiquement actif (longueurs d'onde entre 400 et 700 nm) correspondant au rayonnement utilisé par les plantes pour la photosynthèse. (3) D'autres produits commerciaux (filets colorés, produits d'ombrage à appliquer sur serre verre ou sur structure plastique...) offrent des propriétés plus ou moins similaires.
Fusains, arbousiers et orangers du Mexique sont plus compacts, ramifiés et colorés.
Pour profiter de la thermicité en hiver et des effets régulateurs de croissance du Solatrol en été, le producteur a installé deux types de films sur son abri en double paroi gonflable : Solatrol à l'extérieur (vert) et Luminance à l'intérieur. La prochaine fois, il placera le Solatrol sous le film thermique afin de le préserver des ultraviolets.
Il existe différents films techniques. Le Lumitherm est un film incolore à haute thermicité et haute transmission lumineuse (BPI - British Polythen Industie, Royaume-Uni). Le « Spécial pépinière » est un film blanc translucide qui laisse passer 65 % de la lumière. Le Solatrol (vert) régule la croissance. Il y a aussi des films diffusants ou de forçage transparents aux UV.
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